La situation des forces alliées au printemps 1942 était peu reluisante. Les Allemands avaient pénétré profondément en Russie, sur le front nord-africain la 8e Armée britannique avait dû se replier en Egypte et en Europe de l’Ouest, les forces alliés faisaient face aux Allemands de l’autre coté de la Manche.

Les Russes demandaient l’ouverture d’un deuxième front – une invasion massive en Europe de l’Ouest. Puisque les Alliées n’avaient pas les capacités logistiques pour monter une telle invasion, ils optèrent pour un raid sur le port français de Dieppe. L’objectif était d’obliger les Allemands à renforcer leurs défenses à l’ouest au détriment des autres fronts et de satisfaire les demandes de Staline. Le raid serait aussi une bonne occasion pour tester de nouvelles techniques et de nouveaux équipements et d’acquérir l’expérience et le savoir nécessaire à la planification d’un assaut amphibie de plus grande envergure.

L’attaque sur Dieppe eut lieu le 19 août 1942. 6 100 hommes y prirent part dont environ 5 000 Canadiens, le reste étant des commandos britanniques et 50 Rangers américains. Ils reçurent un entraînement intensif de type commando au début l’été lorsque à la dernière minute la première tentative de débarquement dû être annulée en raison des mauvaises conditions météorologiques. Le raid était appuyé par 8 destroyers alliés et 74 escadrons aériens (8 étant de l’Aviation royale canadienne).
Le plan demandait une attaque sur cinq points différents le long d’un front d’environ 16 kilomètres. Les forces canadiennes lanceraient des attaques simultanées sur les flancs juste avant l’aube sur les falaises à l’est et à l’ouest du port (à Pourville et à Puys). Attaques qui seraient suivies, une demi-heure plus tard, par l’assaut principal sur la ville de Dieppe même. Les commandos britanniques avaient pour tâche de détruire les batteries côtières à Berneval sur le flanc est et à Varengeville à l’ouest.

Le succès de la mission était tributaire de l’effet de surprise et de la noirceur de la nuit. Suite à une série de problèmes, aucune de ces deux conditions ne prévalut. À Puys, sur le flanc est, le Royal Regiment of Canada (RCR) dû subir le feu violent des mitrailleuses des soldats allemands déjà alertés de leur présence. Les soldats du RCR de même que trois pelotons de renfort du Black Watch (Royal Highland of Regiment) of Canada furent clouer contre la plage par le feu des mortiers et des mitrailleuses et durent se rendre plus tard dans la journée. Il était impossible de se replier sous le feu allemand continu. Parmi les soldats qui débarquèrent, 200 furent tué et 20 moururent de leurs blessures; le reste furent fait prisonniers — le taux d’attrition le plus élevé de tous les bataillons canadiens pour une seule journée de toute la guerre. Cette incapacité de chasser les Allemands du promontoire leur a permis de tirer en enfilade sur les plages de Dieppe et neutraliser l’attaque frontale principale des Alliés.

À Pourville sur le flanc ouest, le South Saskatchewan Regiment et le Queen’s Own Cameron Highlanders of Canada se sont aussi heurtés une solide résistance qui les força à arrêter l’assaut.

L’attaque principale devait se faire par la plage de galet face à la ville de Dieppe. Les soldats allemands, camouflés dans leurs positions sur le haut de la falaise et sur des édifices surplombant la promenade, attendaient les forces alliées. Alors que les hommes du Essex Scottish Regiment prenaient d’assaut la partie est, l’ennemi balayait la plage avec ses mitrailleuses. Toutes les tentatives de faire une brèche dans la digue échouèrent au prix de nombreuses pertes. Lorsque qu’un groupe de soldat réussit à entrer dans la ville, un message erroné qui mentionnait que les Essex Scottish avaient réussi une percée fut reçu par le bateau de commandement. Ainsi, le bataillon de réserve, Les Fusiliers Mont-Royal, fut envoyé dans la mêlée. Tout comme leurs camarades qui avaient débarqué plus tôt, ils furent cloués à la plage par un feu ennemi continu.
Le Royal Hamilton Light Infantry débarqua à l’extrémité ouest de la promenade face au grand casino. Ils réussirent à prendre le contrôle de cet édifice bien défendu et les quelques casemates adjacentes. Certains hommes du bataillon traversèrent le boulevard malgré une pluie de balles allemandes pour entrer en ville où ils prirent part à d’intenses combat de rue.

La malchance frappa aussi les chars du Calgary Regiment. Synchronisés pour suivre un bombardement aérien et naval, ils furent débarqués quinze minutes trop tard, laissant ainsi l’infanterie sans support lors des premières minutes critiques de l’attaque. Lorsqu’ils arrivèrent sur la plage, les chars furent pris sous un feu infernal qui, combiné aux galets et à la digue, arrêta leur avance. Ceux qui parvirent à passer par-dessus la digue furent bloqués par des obstacles de béton qui barraient les étroites rues. Toutefois, même immobilisés les chars continuèrent à tirer et à soutenir l’infanterie ce qui permis à plusieurs soldats de se replier.  Les membres d’équipage des chars moururent ou furent fait prisonniers.

Les derniers soldats à débarquer étaient des membres du Royal Marine “A” Commando qui ont connu le même sort que les Canadiens. Ils subirent de lourdes pertes sans toutefois être en mesure d’accomplir leur mission.
Le raid connu aussi la plus terrible bataille aérienne de la guerre. Les forces aériennes réussirent à protéger de la Luftwaffe les bateaux aux larges des côtes de Dieppe. Le prix à payer pour cette mission fut lourd. La Royal Air Force perdit 106 avions, le total de pertes le plus élevé  en seule journée. L’Aviation royale canadienne perdit 13 avions.

En début d’après-midi, l’Opération Jubilée était terminée. Certains prétendent que ce raid fut un massacre inutile ; d’autres que ce fut essentiel à l’invasion réussie du continent qui eut lieu deux ans plus tard lors du Jour-J. Le Raid de Dieppe fut l’occasion d’améliorer les techniques, le support de feu et les tactiques qui permirent de réduire les pertes lors du Jour-J. Bien qu’il ne fasse aucun doutes que d’importantes leçons furent apprises en ces quelques tristes heures du 19 août 1942, le tribut à payer fut énorme Des 4 963 Canadiens qui participèrent à cette opération, seulement 2 210 revinrent en Angleterre et plusieurs d’entre eux étaient blessés. Il y eut 3 367 pertes à Dieppe incluant 1 946 prisonniers de guerre et 907 morts.

Ce texte est une adaptation des articles de Terry Copp publiés dans le magazine Légion