Major-général Clive, OMM, OStJ, CD (ret.)

Comme ils le font tous les ans, les Canadiens et les Canadiennes marqueront une pause le 11 novembre, en pensant et en rendant hommage à toutes les personnes qui ont perdu la vie à la guerre. Cette coutume annuelle, qui a lieu devant d’innombrables monuments aux morts et cénotaphes aux quatre coins de ce vaste pays, revêt chaque année une importance croissante, alors que diminue le nombre de participants à ces conflits mondiaux.

Leur disparition étant inévitable, il faut donc s’attacher à enseigner aux jeunes générations ce qui s’est passé pendant les guerres du xxe siècle auxquelles les Canadiens ont participé. De peur que nous ne pensions que ces périodes difficiles de notre passé sont révolues une fois pour toutes, les problèmes se perpétuent partout dans le monde et les gens ont encore recours à la violence pour venir à bout de leurs problèmes, réels ou perçus. Leurs méthodes ont peu changé, malgré la croissance exponentielle de la puissance meurtrière des armes modernes. Il suffit de penser aux récents attentats terroristes contre les États-Unis pour réaliser que ces temps ne sont malheureusement pas révolus et qu’il importe de se souvenir du passé pour être mieux préparés pour l’avenir.

Bien des groupes d’anciens combattants et de citoyens concernés poursuivent leurs activités dans le secteur de la commémoration, du souvenir et de l’éducation. De nouvelles initiatives voient le jour régulièrement, comme celle de la Fondation canadienne des champs de bataille (anciennement la Fondation canadienne de la bataille de Normandie), mise sur pied en 1992 par un groupe d’anciens combattants et de citoyens intéressés. Étant donné que le Canada a participé à bien des campagnes et théâtres de guerre aux quatre coins du monde, pourquoi choisir la Normandie comme point d’appui ? De nombreuses raisons ont été évoquées. On considère généralement que la bataille de Normandie a été le point tournant de la longue bataille contre le fléau du nazisme. Une raison plus concrète, mais tout aussi importante, était la possibilité d’avoir accès gratuitement à un terrain à Caen, en Normandie, adjacent à un grand musée français, Le Mémorial. Ce musée a été érigé par le gouvernement français pour commémorer la libération de la Normandie par les Alliés, d’autres campagnes de la Deuxième Guerre mondiale et l’évolution du processus de paix qui a suivi ce conflit. Saisissant l’occasion, Hamilton Southam, un ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale, philanthrope et personnalité bien connue d’Ottawa, a réuni un petit groupe d’anciens combattants et mis sur pied une fondation.

Dès le départ, la Fondation canadienne des champs de bataille s’est dotée de deux mandats principaux. Elle voulait, en premier lieu, commémorer le service et le sacrifice de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes qui ont servi leur pays au nom de la liberté, et en deuxième lieu, sensibiliser un auditoire aussi vaste que possible à la contribution du Canada à la victoire alliée au cours des deux guerres mondiales. Ces mandats ont été élargis pour englober celui du souvenir et ils sont constamment mis à jour pour tenir compte de la participation du Canada aux guerres qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, dont les récentes opérations dites de paix.


Commémoration

Étant donné qu’il existe déjà de magnifiques monuments commémoratifs de la participation du Canada et de Terre-Neuve à la Grande Guerre, à Vimy et à Beaumont-Hamel (France), l’idée d’un monument pancanadien de la Deuxième Guerre mondiale a vite pris forme. Réalisant qu’il serait impossible d’émuler la grandeur de Vimy et de Beaumont-Hamel, la Fondation a décidé d’aménager un Jardin du souvenir, conçu par des étudiants en architecture et en aménagement paysager d’universités canadiennes. Le Jardin du souvenir est donc un mémorial vivant qui croît et se renouvelle constamment. Les étudiants qui ont été choisis pour concevoir le Jardin du souvenir ont été profondément émus par les tombes de Canadiens de leur âge qui peuplent les cimetières voisins et ont présenté plusieurs conceptions novatrices à la Fondation, qui en a fait une sélection évocatrice.

Sur le versant nord de la vallée où se trouve le Jardin, une terrasse fissurée symbolise la descente dans le bouleversement de la guerre et les dangers. Sur le versant sud, des érables du Canada sont disposés en cercle autour d’une dalle en granit dans un bassin d’eau, sur laquelle sont inscrites ces paroles de Virgile :
« Nulla dies umquam memori vos eximet aevo »

« Rien ne vous effacera jamais de la mémoire du temps »
Sur un muret derrière le bosquet et la fontaine, à l’angle sud, figurent le nom des 122 communes de Normandie libérées par les troupes canadiennes. Sur la terrasse au nord, quatre hautes stèles portent le nom de toutes les unités militaires canadiennes – terre, mer et air – et de la marine marchande qui ont participé à la libération de la Normandie. Parmi les projets d’avenir, on propose d’ajouter des stèles donnant des renseignements sur la participation des Canadiens à d’autres campagnes de la Deuxième Guerre mondiale. Une autre priorité est celle d’accroître la présence canadienne au sein du musée français hôte, Le Mémorial.

Le Jardin du souvenir a été officiellement inauguré en 1995 par le premier ministre, Jean Chrétien, à l’occasion du 50e anniversaire du jour de la Victoire en Europe.

Parmi les autres initiatives commémoratives, figure le dévoilement d’une plaque à la place de l’Ancienne Boucherie, à Caen, reconnaissant le rôle qu’ont joué les troupes canadiennes dans la libération de cette ville stratégique. Chaque année, la Fondation organise des cérémonies commémoratives à l’emplacement de cette plaque, ainsi qu’au Jardin du souvenir et à l’abbaye d’Ardenne. Cette dernière marque un souvenir particulièrement poignant pour les Canadiens, puisque son jardin a été la scène de l’assassinat de 20 prisonniers de guerre canadiens par les troupes allemandes SS, en juin 1944.


Programmes éducatifs

Conjointement à ces activités commémoratives, la Fondation a mené d’autres initiatives au plan de l’éducation. Livres et vidéos constituent les principaux moyens de diffusion. Elle a notamment commandé des ouvrages, tels que celui du professeur Jack Granatstein, intitulé Normandy 1944, et des guides des champs de bataille canadiens portant sur les campagnes du Nord-Ouest de l’Europe, rédigés par le professeur Terry Copp. Une vidéo, réalisée en 1997 et animée par un personnage bien connu à la télévision, Mike Duffy, présentait les activités de la Fondation. Elle a été suivie en 1998 d’une autre vidéo, intitulée In their Footsteps ou Le pèlerinage; il s’agissait du documentaire d’un voyage organisé par la Fondation et effectué par des étudiants, qui a été réalisé pour le ministère des Anciens combattants. Bien que ces ouvrages et vidéos soient importants pour les activités éducatives de la Fondation, c’est le voyage d’étude annuel qui est sa pièce maîtresse.

Chaque année depuis 1995, 12 étudiants universitaires canadiens (à quelques exceptions près), triés sur le volet, se rendent en Europe pour un voyage d’étude de trois semaines, sous la tutelle d’éminents spécialistes de l’histoire militaire du Canada. À l’occasion, ils sont accompagnés pendant quelques étapes du voyage d’anciens combattants des campagnes canadiennes qui ont été menées outre-mer. La plupart des étudiants explorent en détail la Normandie, visitent Dieppe et l’emplacement des batailles de la Grande Guerre sur le front ouest. Certains d’entre eux ont également visité l’Escaut, la Rhénanie et l’Italie. Ils étudient également l’aspect naval et aérien des campagnes, et parfois, certaines zones de déploiement au Royaume-Uni. L’itinéraire des voyages d’étude varie d’une année à l’autre, mais comprend la plupart du temps une visite de la Normandie au début de juin, où les étudiants ont la possibilité de prendre part aux activités commémoratives du Jour J et de la bataille de Normandie. Ces activités sont financées par la Fondation, des groupes d’anciens combattants ou le ministère des Anciens Combattants du Canada.

Le programme de voyage d’étude de la Fondation est très recherché par les étudiants universitaires canadiens et attire de nombreuses candidatures. Jusqu’à maintenant (soit en 2004), plus de 120 étudiants représentant un nombre important d’universités canadiennes et toutes les provinces, ont participé au voyage d’étude. On peut affirmer sans hésiter que la grande majorité d’entre eux ont contribué à répandre les connaissances acquises durant ces voyages, qui constituent la pierre angulaire du programme d’éducation de la Fondation. Ce programme existe grâce à la générosité de divers Canadiens qui se sont joints, en grand nombre, à la Fondation, et à d’autres fondations et entreprises qui, au moyen de dons importants, veillent à ce que la Fondation produise les revenus nécessaires pour l’aider à financer ces activités indéfiniment.


Souvenir

Comme il a été mentionné plus haut, le Jardin du souvenir canadien, établi en 1995 par la Fondation au Mémorial de Caen, rend hommage au rôle qu’ont joué les Canadiens et Canadiennes dans la bataille de Normandie et d’autres campagnes de la Deuxième Guerre mondiale. Il se complète d’un programme de guides sur les lieux.

Chaque année, la Fondation, grâce à une aide financière du ministère fédéral des anciens combattants, parraine trois guides bilingues qui travaillent au Mémorial. Ils offrent aux visiteurs canadiens et internationaux des visites guidées gratuites du Jardin et des champs de bataille des environs, en décrivant les contributions des Canadiens qui ont risqué volontairement leur vie pour défendre la liberté et la démocratie. De cette façon, la Fondation espère que le souvenir survivra à tous nos anciens combattants et continuera à faire partie de nos programmes permanents.

La Fondation canadienne des champs de bataille est fière de ses réalisations et espère poursuivre ses travaux aux plans du souvenir, de l’éducation et de la commémoration pour veiller à ce que les jeunes Canadiens et Canadiennes d’aujourd’hui n’oublient jamais les sacrifices faits par leurs aïeuls pour garantir leur liberté. Elle est heureuse de répondre aux questions et aux demandes de renseignements. Pour se faire mieux connaître, elle publie des bulletins et invite toutes les personnes intéressées à consulter son site Web bilingue.

Major-général Clive Addy est membre de la Fondation depuis 2003.