Arnhem; la ville de trop

Arnhem, mardi le 19 mai 2015.

Est-ce trop ambitieux de vouloir se rendre jusqu’à Arnhem ? Pour les forces alliées, ainsi que pour les participants du voyage d’études, il semble qu’Arnhem représente une étape difficile et obligée afin d’entrer en Allemagne.

Vous l’aurez bien compris, la journée d’aujourd’hui était dédiée à l’opération Market-Garden de septembre 1944. Cette opération très ambitieuse est reconnue pour être la plus grande opération aéroportée jamais conduite. L’intention était de capturer tous les ponts entre Anvers et Arnhem pour permettre à une force blindée de pénétrer en Allemagne en contournant la ligne de défense Allemande appelée Siegfried. Malheureusement, les alliés ont été surpris par la présence de la 9e Division SS Panzer dans la région. Les combats pour prendre et tenir une tête de pont suffisamment grande qui aurait permis une percée ont été plus difficiles que prévu. La colonne de chars a aussi été ralentie lors de son opération de rattrapage. Complètement encerclés, plusieurs soldats aéroportés britanniques et polonais se sont échappés, alors que d’autres ont dû se rendre.  J’ai été frappé par l’exactitude des faits présentés dans le fameux film A Bridge too Far. Par exemple, la scène finale du film, lorsque les troupes britanniques se rendent aux Allemands, a été tournée devant le véritable restaurant-hôtel Hartenstein.

1 hartenstein

Aujourd’hui converti en musée, le Hartenstein a servi de poste de commandement et de poste de traitement des blessés pendant l’opération. Le sous-sol du musée a particulièrement intéressé les voyageurs. On y retrouve une reconstitution immersive des différentes phases de l’opération. Du largage des planeurs, aux combats dans les rues d’Arnhem, jusqu’à l’évacuation assistée par des sapeurs canadiens, tous les tableaux sont présentés de manière convaincante, rendant l’expérience enrichissante et ludique.

2 sous-sol

Ce que cette partie du voyage m’a permis de contextualiser, c’est à quel point l’ambition de Montgomery de finir la guerre avant décembre 1944 a eu un impact sur les opérations du 2e Corps Canadien. L’accessibilité aux ressources stratégiques telles les avions bombardiers, les troupes aéroportées et le support de l’artillerie navale auraient permis aux Canadiens de prendre les ports de Calais, Boulogne et Cap Griz-Nez, ainsi que l’Estuaire de l’Escaut, de manière plus rapide et avec moins de pertes, s’ils n’avaient pas été utilisés pour Market-Garden. J’en conserverai de bonnes leçons sur la sélection et le maintien du but, la concentration d’efforts et la prise de risques.

3 impact

Comme la vie est parfois ironique, nous avons aussi rencontré quelques difficultés à notre arrivée à Arnhem. La vitre arrière d’une de nos camionnettes a été fracassée lors d’une manœuvre de stationnement et un des voyageurs a été la victime d’un pickpocket. À la fin de cette journée forte en émotion, nous avons fait le bilan de nos pertes et consolidé nos gains dans un Pub de la ville. Le plus important c’est que tout le monde soit en santé, que les épreuves nous permettent de solidifier notre cohésion et qu’un bon souper nous permettre de nous détendre et nous remonter le moral.

4 consolidation

Tout comme les forces alliées, ce ne sera pas les difficultés rencontrées à Arnhem qui nous empêcheront d’entrer en Allemagne. Pour nous ce sera demain.

Sébastien Picard

Réconciliation

France, mardi le 12 mai 2015.
Notre deuxième journée de recherche et d’introspection sur la Grande guerre nous amène tous d’abord au Cimetière d’Adanac. Celui avec la plus grande concentration de Canadiens que nous avons visité jusqu’à présent. Il y repose 1072 Canadiens, 1986 Britanniques, 53 Australiens, 70 Néo-Zélandais, 5 non identifiés et 1 Allemand. Le fait d’y voir un Allemand m’a poussé à réfléchir au sujet de la réconciliation postconflit et postmortuaire dans le cadre de quatre autres visites de la journée.

1-Adanac

Le Mémorial Notre-Dame-de-Lorette est un immense cercle métallique où sont inscrits 580 000 soldats décédés, toutes nationalités, entre 1914 et 1918. Sur la plaque on y lit un message évident de réconciliation: « Érigé dans une Europe en paix pour évoquer une terrible tragédie qui a fauché une génération de jeunes hommes, qui, pour la plupart, savaient lire et écrire ». Ces mots sont puissants. Surtout l’allusion au fait que ceux qui se sont battus étaient civilisés au même titre que nous et qu’il faut demeurer conscient du résultat de nos actions. C’est comme si les morts nous avertissent de faire bien attention pour ne pas reproduire les erreurs de nos ancêtres. En ce sens, je passe le flambeau à mon garçon Félix, qui a appris à écrire son nom à l’école cette année. Un jour il comprendra qu’un ancêtre au même nom que lui et tombé au front, l’implore de prendre les moyens pour éviter qu’un autre conflit aussi sanglant ne se reproduise.

2-Memorial

Juste en face de ce site se trouve la Nécropole Nationale de Notre-Dame-de-Lorette. Ce cimetière contient les dépouilles de 40 000 âmes « Mort pour la France ». C’est un site très touchant, car il contient une église en son centre. Le recueillement, devant le Christ, devient inévitablement une source de réconciliation. Et comme le hasard fait bien les choses, à ma sortie de l’église, une classe de jeune étudiant du primaire chante l’hymne national français lors d’une cérémonie de commémoration impromptu.

3- necropole

Troisième arrêt de la journée, Vimy. Ce monument est définitivement conçu avec un message de réconciliation en tête. Avec ces deux grosses colonnes entourées d’anges, j’y vois très clairement le message que ceux qui sont tombés sous le drapeau canadien ont bel et bien été redirigés vers le paradis éternel. Ce message m’interpelle énormément. Le monument m’apporte un grand réconfort. C’est simplement magnifique. J’ai la conviction que tous les Canadiens qui font le pèlerinage jusqu’ici retrouvent cette sensation de divinité qui permet de mieux se réconcilier avec les atrocités de la Grande Guerre.

4- Vimy

Finalement, on s’arrête au Cimetière britannique Cabaret-Rouge. C’est de cet endroit que la sépulture du soldat canadien inconnu a été exhumée en mai 2000 et rapatriée au Monument commémoratif de guerre du Canada à Ottawa. Il nous est très utile, pour nous permettre de nous réconcilier, lors des cérémonies du 11 novembre. Inutile de vous dire que je ne verrai plus jamais ce monument de la même manière.

6- vimy2

En conclusion, aujourd’hui fut une journée où toutes mes observations ont tourné autour du sujet de la réconciliation avec les évènements et les pertes. J’en garderai un souvenir de résilience face au deuil qu’a créé la Grande Guerre. De plus, les différents sites m’ont envoyé plusieurs signes d’espoir pour l’avenir. Surtout lorsque j’ai vu un groupe d’étudiants allemand assis dans les marches de Vimy.

5- Cabaret-Rouge

Sébastien Picard

Nous nous souviendrons d’eux

Cérémonie Centre Juno BeachTôt le matin, 6 juin 1944. 14 000 Canadiens s’ apprêtent à débarquer sur les plages en Normandie pour libérer l’Europe alors sous le joug du régime nazi. Lorsque les portes des péniches s’ouvrent, les soldats s’élancent bravement sur la plage et affrontent le feu ennemi avec l’objectif d’établir une tête de pont sur la côte française et de repousser les Allemands. Après d’intenses combats, ils parviennent à sécuriser les plages, mais le prix est élevé. 340 Canadiens y laissent leurs vies et plus de 500 d’entre eux sont blessés. En ce 6 juin 2014, 70 ans plus tard, nous nous sommes réunis au musée canadien de la Deuxième Guerre mondiale en France, le Centre Juno beach, en compagnie de nombreux vétérans et citoyens canadiens pour honorer leur mémoire et commémorer le sacrifice des soldats qui combattirent entre 1939 et 1945. Ce fut une cérémonie très touchante et j’ai pu constater, au nombre de personnes rassemblés pour l’occasion, que le souvenir est encore vif dans nos mémoires et que nous ne sommes pas prêts d’oublier leur sacrifice. Les vétérans disent souvent que les « vrais » héros sont ceux qui sont tombés au combat,  mais à mes yeux, ils le sont tous et je me considère privilégiée d’avoir pu assister à la cérémonie en leur compagnie aujourd’hui. Je leur dis à tous merci et je poursuivrai le devoir de mémoire une fois de retour au Canada avec une plus grande compréhension des efforts et sacrifices réalisés par ces soldats en 1944 pour que nous puissions aujourd’hui vivre dans un monde libre.

Maryse Bédard